Ce matin ... je me suis parlé...
Moi aussi tu sais
il m'est arrivé un beau matin
de devoir repenser ma vie ...
J'en avais gaspillé plus de la moitié ...
dans l'oubli ...
à ne penser qu'aux autres ...
Tout comme toi ... peut-être ...
je me souviens très bien du matin
où... je suis entré en conversation ...
avec moi-même ...
Ce ne fut pas facile ... au début ...
de revoir ces images de ma vie en lambeaux
mais je voulais les regarder ...
j'avais laissé tellement de gens jouer avec mon coeur
tellement de gens détruire mon âme et me blesser
J'avais du regret pour le mal ...
que je me suis laissé faire par eux ...
et ce matin-là c'était comme dans un rêve
plus, j'essayais de me parler
plus, je me sentais étrangère à ma propre vie
Là... j'ai beaucoup pleuré ...
et j'ai osé pour la première fois
me regarder et m'écouter
J'ai vu alors ...
la femme que j'étais vraiment
et je me suis pardonnée ...
Pardonnée ... de m'être oubliée ...
Toute ma vie je me suis sentie fragile et démunie
c'est pour ça d'ailleurs que j'écris ...
Je suis une rêveuse ... une solitaire ...
une petite femme éphémère
avec un coeur grand comme l'océan
qui a aimé ... jusqu'au bout de son sang
Il y a toujours des larmes dans mes yeux ...
Ça c'est pour toutes les fois
où je n'ai pas voulu baisser les armes ...
J'aurais pourtant dû comprendre ...
bien avant ...
qu'entre deux pays il y a un océan ...
J'ai passé plus de la moitié de ma vie
dans le rêve ... maintenant ...
je n'ai plus besoin d'anesthésie
je veux vraiment parler à la femme que je suis ...
Ce matin-là j'ai effacé de ma vie
tous les souvenirs amers
les mauvais rêves
et tout ce qui m'avait fait souffrir ...
Je n'ai gardé que le merveilleux
et c'est là ...
que les larmes sont revenues dans mes yeux...
Là, j'ai souris ... et j'ai compris ...
que je ne serais plus jamais seule...
pour pleurer....
Je venais à peine de me rencontrer ...
auteur : Claire de la Chevrotière
Liberté de Paul Eluard
Le Chat
Les Fleurs du mal
Dans ma cervelle se promène,
Ainsi qu'en son appartement,
Un beau chat, fort, doux et charmant.
Quand il miaule, on l'entend à peine,
Tant son timbre est tendre et discret ;
Mais que sa voix s'apaise ou gronde,
Elle est toujours riche et profonde,
C'est là son charme et son secret.
Cette voix, qui perle et qui filtre,
Dans mon fonds le plus ténébreux,
Me remplit comme un vers nombreux
Et me réjouit comme un philtre.
Elle endort les plus cruels maux
Et contient toutes les extases ;
Pour dire les plus longues phrases,
Elle n'a pas besoin de mots.
Non, il n'est pas d'archet qui morde
Sur mon cœur, parfait instrument,
Et fasse plus royalement
Chanter sa plus vibrante corde,
Que ta voix, chat mystérieux,
Chat séraphique, chat étrange,
En qui tout est, comme en un ange,
Aussi subtil qu'harmonieux !
II
De sa fourrure blonde et brune
Sort un parfum si doux,
Je vois avec étonnement
Le feu de ses prunelles pâles,
Clairs fanaux, vivantes opales,
Qui me contemplent fixement.
qu'un soir
J'en fus embaumé, pour l'avoir
Caressée une fois, rien qu'une.
C'est l'esprit familier du lieu ;
Il juge, il préside, il inspire
Toutes choses dans son empire ;
Peut-être est-il fée, est-il dieu ?
Quand mes yeux, vers ce chat que j'aime
Tirés comme par un aimant,
Se retournent docilement
Et que je regarde en moi-même,
Je vois avec étonnement
Le feu de ses prunelles pâles,
Clairs fanaux, vivantes opales,
Qui me contemplent fixement.
LE CHAT
Viens, mon beau chat, sur mon cœur amoureux:
Retiens les griffes de ta patte,
Et laisse-moi plonger dans tes beaux yeux,
Mêlés de métal et d'agate.
Lorsque mes doigts caressent à loisir
Ta tête et ton dos élastique,
Et que ma main s'enivre du plaisir
De palper ton corps électrique,
Je vois ma femme en esprit; son regard,
Comme le tien, aimable bête,
Profond et froid, coupe et fend comme un dard.
Et, des pieds jusques à la tête,
Un air subtil, un dangereux parfum
Nagent autour de son corps brun.
Charles Baudelaire (1821-1867)