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 Poèmes d'auteurs de Olia

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MessageSujet: Re: Poèmes d'auteurs de Olia   Poèmes d'auteurs de Olia - Page 13 EmptyMer 4 Sep - 7:33

La maxime
Poète : Germain Nouveau (1851-1920)
Recueil : Valentines (1885).
La Rochefoucauld dit, Madame,
Qu'on ne doit pas parler de soi,
Ni ?.. ni ?.. de ?.. de ?.. sa ?.. sa ?.. sa femme.
Alors, ma conduite est infâme,
Voyez, je ne fais que ça, moi.

Je me moque de sa maxime.
Comme un fœtus dans un bocal,
J'enferme mon « moi » dans ma rime,
Ce bon « moi » dont me fait un crime
Le sévère Blaise Pascal.

Or, ce ne serait rien encore,
On excuse un... maudit travers ;
Mais j'enferme Toi que Evil or Very Mad
Sur l'autel que mon souffle dore
Au Temple bâti par mes vers ;

Sous les plafonds de mon Poème,
Sur mes tapis égyptiens,
Dans des flots d'encens, moi qui T'aime,
Je me couche auprès de Toi-même
Comme auprès du Sphinx des Anciens ;

Tel qu'un Faust prenant pour fétiche
L'un des coins brodés de tes bas,
Je Te suis dans chaque hémistiche
Où Tu bondis comme une biche,
La Biche-Femme des Sabbats ;

Comme pour la Sibylle à Cumes,
Mon quatrain Te sert de trépied,
Où, dans un vacarme d'enclumes,
Je m'abattrai, couvert d'écumes,
Pour baiser le bout de ton pied ;

À chaque endroit de la césure,
D'un bout de rythme à l'autre bout,
Tu règnes avec grâce et sûre
De remplir toute la mesure,
Assise, couchée, ou debout.

Eh, bien ! j'ai tort, je le confesse :
On doit, jaloux de sa maison,
N'en parler pas plus qu'à la messe ;
Maxime pleine de sagesse !
J'ai tort, sans doute... et j'ai raison.

Si ma raison est peu touchante,
C'est que mon tort n'est qu'apparent :
Je ne parle pas, moi, je chante ;
Comme aux jours d'Orphée ou du Dante,
Je chante, c'est bien différent.

Je ne parle pas, moi, Madame.
Vous voyez que je n'ai pas tort,
Je ne parle pas de ma femme,
Je la chante et je clame, clame,
Je clame haut, sans crier fort.

Je clame et vous chante à voix haute.
Qu'il plaise aux cœurs de m'épier,
Lequel pourra me prendre en faute ?
Je ne compte pas sans mon hôte,
J'écris « ne vends » sur ce papier.

J'écris à peine, je crayonne.
Je le répète encor plus haut,
Je chante et votre Âme rayonne.
Comme les lyres, je résonne,
Oui... d'après La Rochefoucauld.

Ah ! Monsieur !.. le duc que vous êtes,
Dont la France peut se vanter,
Fait très bien tout ce que vous faites ;
Il dit aux femmes des poètes :
« Libre aux vôtres de vous chanter !

Dès qu'il ne s'agit plus de prose,
Qu'il ne s'agit plus des humains,
Au Mont où croît le Laurier-Rose,
Qu'on chante l'une ou l'autre chose,
Pour moi, je m'en lave les mains. »

Donc, sans épater les usages,
Je ferai, Madame, sur Vous
Dix volumes de six cents pages,
Que je destine... pas aux sages,
Tous moins amoureux que les fous.

Pour terminer, une remarque,
(Si j'ose descendre à ce ton,
Madame), après, je me rembarque,
Et je vais relire Plutarque
Dans le quartier du Panthéon :

Sans la poésie et sa flamme,
(Que Vous avez, bien entendu)
Aucun mortel, je le proclame,
N'aurait jamais connu votre âme,
Rose duParadis Perdu ;

Oui, personne, dans les Deux-Mondes,
N'aurait jamais rien su de Toi.
Sans ces... marionnettes rondes,
Les Vers bruns et les Rimes blondes,
Mais, oui, Madame, excepté moi.

Germain Nouveau.


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MessageSujet: Re: Poèmes d'auteurs de Olia   Poèmes d'auteurs de Olia - Page 13 EmptyMer 4 Sep - 15:34

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MessageSujet: Re: Poèmes d'auteurs de Olia   Poèmes d'auteurs de Olia - Page 13 EmptyJeu 5 Sep - 7:36

L'âme
Poète : Germain Nouveau (1851-1920)
Recueil : Valentines (1885).
Comme un exilé du vieux thème,
J'ai descendu ton escalier ;
Mais ce qu'a lié l'Amour même,
Le temps ne peut le délier.

Chaque soir quand ton corps se couche
Dans ton lit qui n'est plus à moi,
Tes lèvres sont loin de ma bouche ;
Cependant, je dors près de Toi.

Quand je sors de la vie humaine,
J'ai l'air d'être en réalité
Un monsieur seul qui se promène ;
Pourtant je marche à ton côté.

Ma vie à la tienne est tressée
Comme on tresse des fils soyeux,
Et je pense avec ta pensée,
Et je regarde avec tes yeux.

Quand je dis ou fais quelque chose,
Je te consulte, tout le temps ;
Car je sais, du moins, je suppose,
Que tu me vois, que tu m'entends.

Moi-même je vois tes yeux vastes,
J'entends ta lèvre au rire fin.
Et c'est parfois dans mes nuits chastes
Des conversations sans fin.

C'est une illusion sans doute,
Tout cela n'a jamais été ;
C'est cependant, Mignonne, écoute,
C'est cependant la vérité.

Du temps où nous étions ensemble,
N'ayant rien à nous refuser,
Docile à mon désir qui tremble,
Ne m'as-tu pas, dans un baiser,

Ne m'as-tu pas donné ton âme ?
Or le baiser s'est envolé,
Mais l'âme est toujours là, Madame ;
Soyez certaine que je l'ai.

Germain Nouveau.


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MessageSujet: Re: Poèmes d'auteurs de Olia   Poèmes d'auteurs de Olia - Page 13 EmptyDim 8 Sep - 7:49

L'Amour de l'Amour
Poète : Germain Nouveau (1851-1920)
Recueil : La doctrine de l'amour (1881).
I.

Aimez bien vos amours ; aimez l'amour qui rêve
Une rose à la lèvre et des fleurs dans les yeux ;
C'est lui que vous cherchez quand votre avril se lève,
Lui dont reste un parfum quand vos ans se font vieux.

Aimez l'amour qui joue au soleil des peintures,
Sous l'azur de la Grèce, autour de ses autels,
Et qui déroule au ciel la tresse et les ceintures,
Ou qui vide un carquois sur des coeurs immortels.

Aimez l'amour qui parle avec la lenteur basse
Des Ave Maria chuchotés sous l'arceau ;
C'est lui que vous priez quand votre tête est lasse,
Lui dont la voix vous rend le rythme du berceau.

Aimez l'amour que Dieu souffla sur notre fange,
Aimez l'amour aveugle, allumant son flambeau,
Aimez l'amour rêvé qui ressemble à notre ange,
Aimez l'amour promis aux cendres du tombeau !

Aimez l'antique amour du règne de Saturne,
Aimez le dieu charmant, aimez le dieu caché,
Qui suspendait, ainsi qu'un papillon nocturne,
Un baiser invisible aux lèvres de Psyché !

Car c'est lui dont la terre appelle encore la flamme,
Lui dont la caravane humaine allait rêvant,
Et qui, triste d'errer, cherchant toujours une âme,
Gémissait dans la lyre et pleurait dans le vent.

Il revient ; le voici : son aurore éternelle
A frémi comme un monde au ventre de la nuit,
C'est le commencement des rumeurs de son aile ;
Il veille sur le sage, et la vierge le suit.

Le songe que le jour dissipe au coeur des femmes,
C'est ce Dieu. Le soupir qui traverse les bois,
C'est ce Dieu. C'est ce Dieu qui tord les oriflammes
Sur les mâts des vaisseaux et des faîtes des toits.

Il palpite toujours sous les tentes de toile,
Au fond de tous les cris et de tous les secrets ;
C'est lui que les lions contemplent dans l'étoile ;
L'oiseau le chante au loup qui le hurle aux forêts.

La source le pleurait, car il sera la mousse,
Et l'arbre le nommait, car il sera le fruit,
Et l'aube l'attendait, lui, l'épouvante douce
Qui fera reculer toute ombre et toute nuit.

Le voici qui retourne à nous, son règne est proche,
Aimez l'amour, riez ! Aimez l'amour, chantez !
Et que l'écho des bois s'éveille dans la roche,
Amour dans les déserts, amour dans les cités !

Amour sur l'Océan, amour sur les collines !
Amour dans les grands lys qui montent des vallons !
Amour dans la parole et les brises câlines !
Amour dans la prière et sur les violons !

Amour dans tous les coeurs et sur toutes les lèvres !
Amour dans tous les bras, amour dans tous les doigts !
Amour dans tous les seins et dans toutes les fièvres !
Amour dans tous les yeux et dans toutes les voix !

Amour dans chaque ville : ouvrez-vous, citadelles !
Amour dans les chantiers : travailleurs, à genoux !
Amour dans les couvents : anges, battez des ailes !
Amour dans les prisons : murs noirs, écroulez-vous !

II.

Mais adorez l'Amour terrible qui demeure
Dans l'éblouissement des futures Sions,
Et dont la plaie, ouverte encor, saigne à toute heure
Sur la croix, dont les bras s'ouvrent aux nations.

Germain Nouveau.


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MessageSujet: Re: Poèmes d'auteurs de Olia   Poèmes d'auteurs de Olia - Page 13 EmptyLun 9 Sep - 7:37

La poudre
Poète : Germain Nouveau (1851-1920)
Recueil : Valentines (1885).
Et vos cheveux, alors, de sombres
Deviennent gris, et de gris, blancs,
Comme un peuple aux ailes sans nombres
De colombes aux vols tremblants.

Suis-je sur terre ou bien rêvè-je ?
Quoi, c'est vous, c'est toi que je vois
Sous ta chevelure de neige,
Jeune de visage et de voix ;

Le corps svelte et libre d'allure,
Sans rien de fané ni de las,
Et cependant ta chevelure
Est plus blanche que les lilas.

Pour qu'il meure et pour qu'il renaisse,
Viens-tu verser à mon désir,
Avec le vin de la jeunesse
L'expérience du plaisir ?

Avec ta voix pleine de verve
Et la pureté de tes mains,
Es-tu la déesse Minerve
Sous l'acier du casque romain ?

Viens-tu verser, dans ta largesse,
Au cœur qui ne peut s'apaiser,
Avec le vin de la sagesse,
L'expérience du baiser ?

Jeune Femme aux cheveux de Sage,
Tels qu'un vol de blancs papillons,
C'est la gloire de ton visage
Qui l'entoure de ses rayons ;

Si ce n'est l'Amour, c'est l'image
De l'Amour, qu'en vous je veux voir,
Jeune femme aux cheveux de Mage,
Tels que les neiges du savoir !

Sous votre vieillesse vermeille
La caresse se cache et rit,
Comme une chatte qui sommeille
Sur les griffes de son esprit.

Dans ta vieillesse enchanteresse
Je veux t'étreindre et m'embraser
Dans l'alambic de ta caresse,
Sous l'élixir de ton baiser.

Germain Nouveau.


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MessageSujet: Re: Poèmes d'auteurs de Olia   Poèmes d'auteurs de Olia - Page 13 EmptyMar 10 Sep - 7:48

La rencontre
Poète : Germain Nouveau (1851-1920)
Recueil : Valentines (1885).
Vous mîtes votre bras adroit,
Un soir d'été, sur mon bras... gauche.
J'aimerai toujours cet endroit,
Un café de la Rive-Gauche ;

Au bord de la Seine, à Paris :
Un homme y chante la Romance
Comme au temps... des lansquenets gris ;
Vous aviez emmené Clémence.

Vous portiez un chapeau très frais
Sous des nœuds vaguement orange,
Une robe à fleurs... sans apprêts,
Sans rien d'affecté ni d'étrange ;

Vous aviez un noir mantelet,
Une pèlerine, il me semble,
Vous étiez belle, et... s'il vous plaît,
Comment nous trouvions-nous ensemble ?

J'avais l'air, moi, d'un étranger ;
Je venais de la Palestine
À votre suite me ranger,
Pèlerin de ta Pèlerine.

Je m'en revenais de Sion,
Pour baiser sa frange en dentelle,
Et mettre ma dévotion
Entière à vos pieds d'Immortelle.

Nous causions, je voyais ta voix
Dorer ta lèvre avec sa crasse,
Tes coudes sur la table en bois,
Et ta taille pleine de grâce ;

J'admirais ta petite main
Semblable à quelque serre vague,
Et tes jolis doigts de gamin,
Si chics ! qu'ils se passent de bague ;

J'aimais vos yeux, où sans effroi
Battent les ailes de votre Âme,
Qui font se baisser ceux du roi
Mieux que les siens ceux d'une femme ;

Vos yeux splendidement ouverts
Dans leur majesté coutumière...
Étaient-ils bleus ? Étaient-ils verts ?
Ils m'aveuglaient de ta lumière.

Je cherchais votre soulier fin,
Mais vous rameniez votre robe
Sur ce miracle féminin,
Ton pied, ce Dieu, qui se dérobe !

Tu parlais d'un ton triomphant,
Prenant aux feintes mignardises
De tes lèvres d'amour Enfant
Les cœurs, comme des friandises,

La rue où rit ce cabaret,
Sur laquelle a pu flotter l'Arche,
Sachant que l'Ange y descendrait,
Porte le nom d'un patriarche.

Charmant cabaret de l'Amour !
Je veux un jour y peindre à fresque
Le Verre auquel je fis ma cour.
Juin, quatre-vingt-cinq, minuit... presque.

Germain Nouveau.


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MessageSujet: Re: Poèmes d'auteurs de Olia   Poèmes d'auteurs de Olia - Page 13 EmptyMar 10 Sep - 9:08

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MessageSujet: Re: Poèmes d'auteurs de Olia   Poèmes d'auteurs de Olia - Page 13 EmptyMer 11 Sep - 7:36

La robe
Poète : Germain Nouveau (1851-1920)
Recueil : Valentines (1885).
Vous portez une robe grise,
M'a dit Suzanne l'autre jour ;
Or, vous aurai-je bien comprise ?
Ça veut-il dire qu'elle est grise,
Qu'elle est toute grise d'amour ?

Qu'elle est grise comme la mine
De mes lettres dont le contour
S'éveille sous la plombagine
Qui trace en gris, pour Valentine,
Sur le papier mes vers d'amour ?

Car cette robe si charmante,
À moins que, par un gueux de tour,
Ma mémoire ici ne me mente,
De nœuds de couleur s'agrémente,
Comme tous mes billets d'amour.

Je sais que, fière et délicate,
Comme une Reine pour sa cour,
La femme très femme, et très... chatte,
Ne peut remuer une patte
Sans quelque intention d'amour.

L'intention ne se dérobe,
Dans son capricieux détour,
Qu'aux sots, peu nombreux sur le globe :
Ma poésie et votre robe
Sont toutes deux grises d'amour.

Germain Nouveau.


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MessageSujet: Re: Poèmes d'auteurs de Olia   Poèmes d'auteurs de Olia - Page 13 EmptyJeu 12 Sep - 7:41

La statue
Poète : Germain Nouveau (1851-1920)
Recueil : Valentines (1885).
Parmi les marbres qu'on renomme
Sous le ciel d'Athène ou de Rome,
Je prends le plus pur, le plus blanc,
Je le taille et puis je l'étale
Dans ta pose d'Horizontale
Soulevée... un peu... sur le flanc...

Voici la tête qui se dresse,
Qu'une ample chevelure presse,
Le cou blanc, dont le pur contour
Rappelle à l'œil qui le contemple
Une colonne, au front d'un temple,
Le plus beau temple de l'Amour !

Voici la gorge féminine,
Le bout des seins sur la poitrine
Délicatement accusé,
Les épaules, le dos, le ventre
Où le nombril se renfle et rentre
Comme un tourbillon apaisé.

Voici le bras plein qui s'allonge ;
Voici, comme on les voit en songe,
Les deux petites mains d'Éros,
Le bassin immense, les hanches,
Et les adorablement blanches
Et fermes fesses de Paros.

Voici le mont au fond des cuisses
Les plus fortes pour que tu puisses
Porter les neuf mois de l'enfant ;
Et voici tes jambes parfaites...
Et, pour les sonnets des poètes,
Voici votre pied triomphant.

Pas plus grande que Cléopâtre
Pour qui deux peuples vont se battre,
Voici la Femme dont le corps
Fait sur les gestes et les signes
Courir la musique des lignes
En de magnifiques accords.

Je m'élance comme un barbare,
J'abats la tête, le pied rare,
Les mains... et puis... au bout d'un an...
Lorsque sa gloire est colossale,
Je la dispose en une salle,
La plus riche du Vatican.

Germain Nouveau.


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MessageSujet: Re: Poèmes d'auteurs de Olia   Poèmes d'auteurs de Olia - Page 13 EmptyVen 13 Sep - 7:27

Le baiser (I)
Poète : Germain Nouveau (1851-1920)
Recueil : Valentines (1885).
N'êtes-vous pas toute petite
Dans votre vaste appartement,
Où comme un oiseau qui palpite
Voltige votre pied normand ?

N'est-elle pas toute mignonne,
Blanche dans l'ombre où tu souris,
Votre taille qui s'abandonne,
Parisienne de Paris ?

N'est-il pas à Vous, pleine d'âme,
Franc comme on doit l'être, à l'excès,
Votre cœur d'adorable femme,
Nu, comme votre corps français ?

Ne sont-ils pas, à Vous si fière,
Les neiges sous la nuit qui dort
Dans leur silence et leur lumière,
Vos magnifiques seins du Nord ?

N'est-il pas doux, à Vous sans haine,
Frémissante aux bruits de l'airain,
Votre ventre d'Européenne,
Oui votre ventre européen ;

N'est-elle pas semblable au Monde,
Pareille au globe entouré d'air,
Ta croupe terrestre aussi ronde
Que la montagne et que la mer ?

N'est-il pas infini le râle
De bonheur pur comme le sel,
Dans ta matrice interastrale
Sous ton baiser universel ?

Et par la foi qui me fait vivre
Dans ton parfum et dans ton jour,
N'entre-t-elle pas, mon âme ivre,
En plein, au plein de ton amour ?

Germain Nouveau.


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MessageSujet: Re: Poèmes d'auteurs de Olia   Poèmes d'auteurs de Olia - Page 13 EmptySam 14 Sep - 7:25

Le baiser (II)
Poète : Germain Nouveau (1851-1920)
Recueil : Valentines (1885).
Comme une ville qui s'allume
Et que le vent achève d'embraser,
Tout mon cœur brûle et se consume,
J'ai soif, oh ! j'ai soif d'un baiser.

Baiser de la bouche et des lèvres
Où notre amour vient se poser,
Plein de délices et de fièvres,
Ah ! j'ai soif, j'ai soif d'un baiser !

Baiser multiplié que l'homme
Ne pourra jamais épuiser,
Ô toi, que tout mon être nomme,
J'ai soif, oui, j'ai soif d'un baiser.

Fruit doux où la lèvre s'amuse,
Beau fruit qui rit de s'écraser,
Qu'il se donne ou qu'il se refuse,
Je veux vivre pour ce baiser.

Baiser d'amour qui règne et sonne
Au cœur battant à se briser,
Qu'il se refuse ou qu'il se donne,
Je veux mourir de ce baiser.

Germain Nouveau.


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MessageSujet: Re: Poèmes d'auteurs de Olia   Poèmes d'auteurs de Olia - Page 13 EmptyLun 16 Sep - 7:40

L'âme
Poète : Germain Nouveau (1851-1920)
Recueil : Valentines (1885).
Comme un exilé du vieux thème,
J'ai descendu ton escalier ;
Mais ce qu'a lié l'Amour même,
Le temps ne peut le délier.

Chaque soir quand ton corps se couche
Dans ton lit qui n'est plus à moi,
Tes lèvres sont loin de ma bouche ;
Cependant, je dors près de Toi.

Quand je sors de la vie humaine,
J'ai l'air d'être en réalité
Un monsieur seul qui se promène ;
Pourtant je marche à ton côté.

Ma vie à la tienne est tressée
Comme on tresse des fils soyeux,
Et je pense avec ta pensée,
Et je regarde avec tes yeux.

Quand je dis ou fais quelque chose,
Je te consulte, tout le temps ;
Car je sais, du moins, je suppose,
Que tu me vois, que tu m'entends.

Moi-même je vois tes yeux vastes,
J'entends ta lèvre au rire fin.
Et c'est parfois dans mes nuits chastes
Des conversations sans fin.

C'est une illusion sans doute,
Tout cela n'a jamais été ;
C'est cependant, Mignonne, écoute,
C'est cependant la vérité.

Du temps où nous étions ensemble,
N'ayant rien à nous refuser,
Docile à mon désir qui tremble,
Ne m'as-tu pas, dans un baiser,

Ne m'as-tu pas donné ton âme ?
Or le baiser s'est envolé,
Mais l'âme est toujours là, Madame ;
Soyez certaine que je l'ai.

Germain Nouveau.


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MessageSujet: Re: Poèmes d'auteurs de Olia   Poèmes d'auteurs de Olia - Page 13 EmptyLun 16 Sep - 13:16

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MessageSujet: Re: Poèmes d'auteurs de Olia   Poèmes d'auteurs de Olia - Page 13 EmptyJeu 19 Sep - 7:34

L'Amour de l'Amour
Poète : Germain Nouveau (1851-1920)
Recueil : La doctrine de l'amour (1881).
I.

Aimez bien vos amours ; aimez l'amour qui rêve
Une rose à la lèvre et des fleurs dans les yeux ;
C'est lui que vous cherchez quand votre avril se lève,
Lui dont reste un parfum quand vos ans se font vieux.

Aimez l'amour qui joue au soleil des peintures,
Sous l'azur de la Grèce, autour de ses autels,
Et qui déroule au ciel la tresse et les ceintures,
Ou qui vide un carquois sur des coeurs immortels.

Aimez l'amour qui parle avec la lenteur basse
Des Ave Maria chuchotés sous l'arceau ;
C'est lui que vous priez quand votre tête est lasse,
Lui dont la voix vous rend le rythme du berceau.

Aimez l'amour que Dieu souffla sur notre fange,
Aimez l'amour aveugle, allumant son flambeau,
Aimez l'amour rêvé qui ressemble à notre ange,
Aimez l'amour promis aux cendres du tombeau !

Aimez l'antique amour du règne de Saturne,
Aimez le dieu charmant, aimez le dieu caché,
Qui suspendait, ainsi qu'un papillon nocturne,
Un baiser invisible aux lèvres de Psyché !

Car c'est lui dont la terre appelle encore la flamme,
Lui dont la caravane humaine allait rêvant,
Et qui, triste d'errer, cherchant toujours une âme,
Gémissait dans la lyre et pleurait dans le vent.

Il revient ; le voici : son aurore éternelle
A frémi comme un monde au ventre de la nuit,
C'est le commencement des rumeurs de son aile ;
Il veille sur le sage, et la vierge le suit.

Le songe que le jour dissipe au coeur des femmes,
C'est ce Dieu. Le soupir qui traverse les bois,
C'est ce Dieu. C'est ce Dieu qui tord les oriflammes
Sur les mâts des vaisseaux et des faîtes des toits.

Il palpite toujours sous les tentes de toile,
Au fond de tous les cris et de tous les secrets ;
C'est lui que les lions contemplent dans l'étoile ;
L'oiseau le chante au loup qui le hurle aux forêts.

La source le pleurait, car il sera la mousse,
Et l'arbre le nommait, car il sera le fruit,
Et l'aube l'attendait, lui, l'épouvante douce
Qui fera reculer toute ombre et toute nuit.

Le voici qui retourne à nous, son règne est proche,
Aimez l'amour, riez ! Aimez l'amour, chantez !
Et que l'écho des bois s'éveille dans la roche,
Amour dans les déserts, amour dans les cités !

Amour sur l'Océan, amour sur les collines !
Amour dans les grands lys qui montent des vallons !
Amour dans la parole et les brises câlines !
Amour dans la prière et sur les violons !

Amour dans tous les coeurs et sur toutes les lèvres !
Amour dans tous les bras, amour dans tous les doigts !
Amour dans tous les seins et dans toutes les fièvres !
Amour dans tous les yeux et dans toutes les voix !

Amour dans chaque ville : ouvrez-vous, citadelles !
Amour dans les chantiers : travailleurs, à genoux !
Amour dans les couvents : anges, battez des ailes !
Amour dans les prisons : murs noirs, écroulez-vous !

II.

Mais adorez l'Amour terrible qui demeure
Dans l'éblouissement des futures Sions,
Et dont la plaie, ouverte encor, saigne à toute heure
Sur la croix, dont les bras s'ouvrent aux nations.

Germain Nouveau.


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MessageSujet: Re: Poèmes d'auteurs de Olia   Poèmes d'auteurs de Olia - Page 13 EmptyVen 20 Sep - 7:38

Le cidre
Poète : Germain Nouveau (1851-1920)
Recueil : Valentines (1885).
Je veux en vider un grand litre.
C'est très chic le cidre, et d'abord
C'est le tien ! je l'aime à ce titre.
Il est clair, derrière sa vitre,
Comme une aube des Ciels du Nord.

C'était le cidre de Corneille,
Ne pas confondre avec le Cid :
Le premier sort de la bouteille,
L'autre, le casque sur l'oreille,
Doit venir de Valladolid.

C'était le cidre de Guillaume,
Duc des Normands pleins de valeur,
Qui fit, sur leur nouveau royaume,
Flotter les plumes de son heaume,
Plus doux que les pommiers en fleur !

Ah ! vos pommiers criblés de pommes,
Savez-vous qu'ils ne sont pas laids !
Il me semble que nous y sommes,
Non loin des flots, où sont les hommes,
Près du sable, où sont les mollets.

Et les pommes donc ! qui n'adore
Leurs jolis rouges triomphants !
Qu'elles soient deux ou plus encore ;
Sans les pommes que l'on dévore,
Personne ne ferait d'enfants.

L'humanité serait peu flère ;
Vos cœurs, Femmes, seraient glacés.
Sans les pommes... qu'avait ton père,
Sans celles qu'adorait ma mère
Oh !... plutôt trop, que pas assez.

Ah ! bienheureuses sont les branches,
Qui cachent, dans leur gai fouillis,
Le cidre d'Harfleur ou d'Avranches,
Que l'on boit gaiement, les dimanches,
Aux cabarets de ton pays !

Et bienheureux sont ceux qui portent
Ces fruits dans toutes leurs saveurs ;
Que jamais, jamais ils n'avortent,
Puisque aussi bien c'est d'eux que sortent
Les Buveuses et les Buveurs !

Germain Nouveau.


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MessageSujet: Re: Poèmes d'auteurs de Olia   Poèmes d'auteurs de Olia - Page 13 EmptyVen 27 Sep - 7:36

Le Livre
Poète : Germain Nouveau (1851-1920)
Recueil : Valentines (1885).
De vous le dire je m'empresse...
Oh ! la fâcheuse inversion !
D'ailleurs la seule qui paraisse
Être échappée à ma paresse,
Au cours de cette édition.

Je m'empresse de vous le dire,
Allons ! voilà qui va bien mieux !
Je ne suis pas (faut-il l'écrire ?)
Un poète, je suis sans lyre.
Je crois que cela saute aux yeux.

Mais, vous m'avez dit, d'aventure,
Un soir : « Je n'aime pas les vers. »
Or, nous revenions en voiture ;
« Quoi ? pas même ceux de Voiture ? »
Je vous regardai de travers.

Je trouvai la chose hardie.
Nous traversions le carrefour,
De l'Ancienne Comédie,
« Moi, je les aime, quoiqu'on dise
Presqu'autant que faire l'amour. »

La rue était silencieuse,
Pas un soupir d'accordéon,
Et sous vos yeux de scabieuse
Là-bas se dressait, soucieuse,
La façade de l'Odéon.

Vous voyez, j'ai bonne mémoire.
Eh ! bien ! ce mot d'après dîner,
Si j'ai composé mon grimoire,
C'est de sa faute, et c'est histoire,Madame, de vous taquiner.

Et je vous le jette... à la tête ?
Ah ! fi ! Sur les bras ?... oh ! que non ?
Dans les jambes ?... Ce serait bête.
Ou tu le verrais à la fête,
C'est entre ton fauteuil et ton...

Qu'on se le dise au Montparnasse,
Pays des vers estropiés,
Et des madrigaux à la glace :
Si je veux qu'il soit à sa place
Je le glisserais sous vos pieds.

Toutefois, du fond de ton siège
Reçois-le comme un compliment
« À la française »... qu'on abrège
Si l'on entend : « Est-ce qu'il neige ? »
Ou si l'on vous dit : « C'est charmant. »

Germain Nouveau.


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MessageSujet: Re: Poèmes d'auteurs de Olia   Poèmes d'auteurs de Olia - Page 13 EmptySam 28 Sep - 7:43

Le nom
Poète : Germain Nouveau (1851-1920)
Recueil : Valentines (1885).
Je porte un nom assez... bizarre,
Tu diras : « Ton cas n'est pas rare. »
Oh !... je ne pose pas pour ça,
Du tout... mais... permettez, Madame,
Je découvre en son anagramme :
Amour ingénue, et puis : Va !



Si... comme un régiment qu'on place
Sous le feu... je change la face...
De ce nom... drôlement venu,
Dans le feu sacré qui le dore,
Tiens ! regarde... je lis encore :
Amour ignée, et puis : Va, nu !



Pas une lettre de perdue !
Il avait la tête entendue,
Le parrain qui me le trouva !
Mais ce n'est pas là tout, écoute !
Je lis encor, pour Toi, sans doute :
Amour ingénu, puis : Éva !



Tu sais... nous ne sommes... peut-être
Les seuls amours... qu'on ait vus naître ;
Il en naît... et meurt tous les jours ;
On en voit sous toutes les formes ;
Et petits, grands... ou même énormes,
Tous les hommes sont des amours.



Pourtant... ce nom me prédestine...
À t'aimer, ô ma Valentine !
Ingénument, avec mon corps,
Avec mon cœur, avec mon âme,
À n'adorer que Vous, Madame,
Naturellement, sans efforts.



Il m'invite à brûler sans trêve,
Comme le cierge qui s'élève
D'un feu très doux à ressentir,
Comme le Cierge dans l'Église ;
À ne pas garder ma chemise
Et surtout... à ne pas mentir.



Et si c'est la mode qu'on nomme
La compagne du nom de l'homme,
J'appellerai ma femme : Éva.
J'ôte É, je mets lent, j'ajoute ine,
Et cela nous fait : Valentine !
C'est un nom chic ! et qui me va !



Tu vois comme cela s'arrange.
Ce nom, au fond, est moins étrange
Que de prime abord il n'a l'air.
Ses deux majuscules G. N.
Qui font songer à la Géhenne
Semblent les Portes de l'Enfer !



Eh, bien !... mes mains ne sont pas fortes,
Mais Moi, je fermerai ces Portes,
Qui ne laisseront plus filtrer
Le moindre rayon de lumière,
Je les fermerai de manière
Qu'on ne puisse jamais entrer.



En jouant sur le mot Géhenne,
J'ai, semble-t-il dire, la Haine,
Et je ne l'ai pas à moitié,
Je l'ai, je la tiens, la Maudite !
Je la tiens bien, et toute, et vite,
Je veux l'étrangler sans pitié !



Puisque c'est par Elle qu'on souffre,
Qu'elle est la Bête aux yeux de soufre
Qu'elle n'écoute... rien du tout,
Qu'elle ment, la sale mâtine !
Et pour qu'on s'aime en Valentine
D'un bout du monde à l'autre bout.



Germain Nouveau.


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MessageSujet: Re: Poèmes d'auteurs de Olia   Poèmes d'auteurs de Olia - Page 13 EmptyLun 30 Sep - 7:31

Le portrait
Poète : Germain Nouveau (1851-1920)
Recueil : Valentines (1885).
Depuis longtemps, je voudrais faire
Son portrait, en pied, suis-moi bien :
Quand elle prend son air sévère,
Elle ne bouge et ne dit rien.

Ne croyez pas qu'Elle ne rie
Assez souvent ; alors, je vois
Luire un peu de sorcellerie
Dans les arcanes de sa voix.

Impérieuse, à n'y pas croire !
Pour le moment, pour son portrait,
(Encadré d'or pur, sur ivoire)
Plus sérieuse... qu'un décret.

Suivez-moi bien : son Âme est belle
Autant que son visage est beau,
Un peu plus... si je me rappelle
Que Psyché se rit du Tombeau.

Tout le Ciel est dans ses prunelles
Dont l'éclat... efface le jour,
Et qu'emplissent les éternelles
Magnificences de l'Amour ;

Et ses paupières sont ouvertes
Sur le vague de leur azur,
Toutes grandes et bien mieux, certes,
Que le firmament le plus pur.

L'arc brun de ses grands sourcils, digne
De la flèche d'amours rieurs,
Est presque un demi-cercle, signe
De sentiments supérieurs.

Sans ride morose ou vulgaire,
Son front, couronné... de mes vœux,
En fait de nuages n'a guère
Que l'ombre douce des cheveux.

Quand elle a dénoué sa tresse
Où flottent de légers parfums,
Sa chevelure la caresse
Par cascades de baisers bruns,

Qui se terminent en fumée
À l'autre bout de la maison,
Et quand sa natte est refermée
C'est la plus étroite prison,

Le nez aquilin est la marque
D'une âme prompte à la fureur,
Le sien serait donc d'un monarque
Ou d'une fille d'empereur ;

Ses deux narines frémissantes
Disent tout un trésor voilé
De délicatesses puissantes
Au fond duquel nul est allé.

Ses lèvres ont toutes les grâces
Comme ses yeux ont tout l'Amour,
Elles sont roses, point trop grasses,
Et d'un spirituel contour.

Ho, çà ! Monsieur, prenez bien garde
À tous les mots que vous jetez,
Son oreille fine les garde
Longtemps, comme des vérités.

L'ensemble vit, pense, palpite ;
L'ovale est fait de doux raccords ;
Et la tête est plutôt petite,
Proportionnée à son corps.

Esquissons sous sa nuque brune
Son cou qui semble... oh ! yes, indeed !
La Tour d'ivoire, sous la lune
Qui baigne la Tour de David ;

Laquelle, loin que je badine,
Existe encor, nous la voyons
Sur l'album de la Palestine,
Chez les gros marchands de crayons.

Je voudrais faire... les épaules.
Ici, madame, permettez
Que j'écarte l'ombre des saules
Que sur ces belles vous jetez...

Non ? vous aimez mieux cette robe
Teinte de la pourpre que Tyr
À ses coquillages dérobe
Dont son art vient de vous vêtir ;

Vous préférez à la nature
D'avant la pomme ou le péché,
Cette lâche et noble ceinture
Où votre pouce s'est caché.

Mais votre peintre aime l'éloge,
Et... l'on est le premier venu
Fort indigne d'entrer en loge,
Si l'on ne sait rendre le nu ;

S'il ne peut fondre avec noblesse
Cette indifférence d'acier
Où sa réflexion vous laisse,
Comment fera-t-il votre pied ?

Vos mains mignonnes, encor passe ;
Mais votre pied d'enfant de rois
Dont la cambrure se prélasse
Ainsi qu'un pont sur les cinq doigts,

Qu'on ne peut toucher sans qu'il parte
Avec un vif frémissement
Des doigts dont le pouce s'écarte,
Comme pour un... commandement...

Vous persistez, c'est votre affaire,
Faites, faites, ça m'est égal !
Je barbouille tout, de colère...
Et tant pis pour mon madrigal !

Germain Nouveau.


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MessageSujet: Re: Poèmes d'auteurs de Olia   Poèmes d'auteurs de Olia - Page 13 EmptyJeu 3 Oct - 7:32

Les baisers
Poète : Germain Nouveau (1851-1920)
Recueil : Valentines (1885).
Sonnez, sonnez haut sur la joue,
Baisers de la franche amitié,
Comme un fils de neuf ans qui joue,
Petit tapageur sans pitié.

Baiser du respect qui s'imprime
À la porte du cœur humain,
Comme avec l'aile d'une rime,
Effleurez à peine la main ;

Baiser d'affection armée,
De la mère au cœur noble et fier
Sur le front de la tête aimée,
Vibrez mieux que le bruit du fer.

Baiser d'affection aînée,
Ou de mère, le jour des prix,
Sur chaque tête couronnée
Laissez-vous tomber, sans mépris.

Baisers d'affections voisines,
Voltigez du rire joyeux
Des sœurs ou des jeunes cousines
Sur le nez, la bouche ou les yeux ;

Baiser plus doux que des paroles,
Baiser des communes douleurs,
Ferme en soupirant les corolles
Des yeux d'où s'échappent les pleurs :

Baiser de la passion folle
Baise la trace de ses pas,
Réellement, sans hyperbole,
Pour montrer que tu ne mens pas.

Baise un bas ourlet de sa robe,
L'éventail quitté par ses doigts,
Et si tout objet se dérobe,
Feins dans l'air de baiser sa voix ;

Et si l'on garde le silence,
Tu dois t'en aller, c'est plus sûr ;
Mais avant ton aile s'élance
Et tu t'appliques sur son mur.

Reviens plus joyeux que la veille,
Mouille son ongle musical,
Les bords riants de son oreille.
Que le monde te soit égal !

Baiser du désir qui veut mordre,
Pose-toi derrière le cou,
Dans la nuque où l'on voit se tordre
Une mèche qui te rend fou.

Sur sa bouche et sur sa promesse,
Profond et pur comme le jour,
Plus long qu'un prêtre à la grand messe,
Oubliez-vous, Baiser d'amour.

Germain Nouveau.


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MessageSujet: Re: Poèmes d'auteurs de Olia   Poèmes d'auteurs de Olia - Page 13 EmptySam 5 Oct - 7:29

Les cartes
Poète : Germain Nouveau (1851-1920)
Recueil : Valentines (1885).
C'était en octobre, un dimanche,
Je revenais de déjeuner ;
Vous jouiez au lit, toute blanche,
Vos cartes dans votre main... franche,
Qui commence à les retourner.

Vous faisiez une réussite ;
Est-ce pour voir si je t'aimais ?
Est-ce la grande, ou la petite ?...
Vous avez dit haut, pas très vite :
« Les cartes ne mentent jamais ».

Au fait, pourquoi mentiraient-elles ?
Elles n'ont aucune raison,
Vous me faisiez des peurs mortelles,
Et... fixant sur moi vos prunelles :
« Une femme dans la maison. »

C'était vrai de vrai, tout de même !
Je ne dis rien et me tins coi.
Mais je dus paraître... un peu blême.
C'était une femme que j'aime,
Je ne veux pas dire pourquoi.

Puis vous parlâtes de concierge,
Car vous voyiez mon embarras.
Ah ! je vous dois un fameux cierge !
Bien que l'autre soit encor vierge
De l'enlacement de mes bras.

J'aime tout autant vous le dire
Et jeter ma faute au panier,
Belle sorcière... de Shakespeare :
La vérité, c'est ton empire,
Je n'essayerai pas de nier.

Il me faudrait faire un mensonge,
Ce qui te déplaît tellement
Que j'en frémis lorsque j'y songe...
Le temps a passé son éponge
Délicate sur ce moment.

Ah ! si ce n'était qu'une femme !
Si ce n'était qu'une maison !
Mais j'aime avec la même flamme
Et la demoiselle et la dame
Sur tous les points de l'horizon.

Toujours à la piste, aux écoutes,
Au guet, partout, sans respirer,
Je les suis, sur toutes les routes.
Si je ne les désirais toutes,
Je ne saurais vous adorer !

Oui, quand ainsi j'ai vu la femme
Pour toutes sortes de raisons...
Et je ris bien au fond de l'âme,
Nous avons à Paris, Madame,
Tant de femmes dans les maisons !

Germain Nouveau
.


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